Naples

Photographie Thomas Pfirsch

Troisième ville d’Italie avec plus de trois millions d’habitants, ancienne capitale d’un des plus vieux Etats d’Europe et ex-mégapole de l’époque moderne, Naples fait souvent figure de métropole en crise, symbolisant les pathologies urbaines du Mezzogiorno italien. Durement atteinte par la perte de ses fonctions de capitale au moment de l’Unité italienne, puis par la désindustrialisation, la ville reste marquée par une pauvreté persistante. Si le centre-ville – l’un des plus vastes d’Europe et classé au patrimoine de l’UNESCO – a été réhabilité depuis la « renaissance napolitaine » du début des années 1990, les périphéries de la ville apparaissent largement délaissées. La ville est aussi l’un des symboles du malgoverno urbain – que la crise de la gestion des déchets vient régulièrement rappeler dans les médias – et sur lequel plane l’ombre de la criminalité organisée, qui reste très puissante dans la ville. Naples se caractérise aussi par un étalement urbain mal contrôlé, porté par la construction illégale, et qui génère d’importants problèmes environnementaux dans cette ville à risque, encore marquée par les cicatrices du tremblement de terre de 1980, et dont les banlieues abusives s’étalent jusque sur les pentes du Vésuve.

Pourtant, lorsqu’on l’approche par les mobilités, c’est une toute autre image de la ville qui se dégage. Grande ville portuaire, Naples apparaît comme une « place marchande cosmopolite  » au coeur de la Méditerranée, et constitue un centre important de la « mondialisation par le bas ». La ville reste aussi le lieu d’un système productif informel dynamique, qui structure de véritables districts industriels urbains. Elle est également un carrefour migratoire important entre les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée d’une part, et les riches métropoles du Nord de l’Italie et de l’Europe d’autre part, à la fois lieu de départ pour les jeunes diplômés italiens, espace de transit pour les flux de travailleurs et de réfugiés du Sud Global, et de destination pour une importante migration de commerçants, de travailleurs agricoles ou d’employées domestiques en provenance d’Asie, d’Afrique ou d’Europe orientale. Depuis les printemps arabes et la crise des destinations de la rive Sud de la Méditerranée, la ville connaît aussi une explosion du tourisme, qui bouleverse les espaces de son centre historique, marqué par l’économie de plate-forme et les locations à court-terme. Naples apparaît comme un laboratoire des dynamiques urbaines à l’heure du capitalisme flexible, fondé sur une intense mise en mouvement des capitaux, des marchandises et des personnes. Ces mobilités recomposent les espaces urbains en profondeur, comme l’attestent la transformation récente du quartier de la gare, du port, ou des vastes zones logistiques de la périphérie de la ville.

Naples s’est aussi singularisée ces dernières années par sa créativité politique. Face à l’austérité budgétaire qui a marqué l’Europe du Sud durant la crise financière, la ville a mis en place des modèles innovants d’urbanisme tactique et de démocratie participative, et favorisé l’émergence de communs urbains. C’est le cas dans le domaine de la gestion de l’eau et dans celui de la politique culturelle avec la légalisation de nombreux lieux culturels occupés et revitalisés par les associations habitantes. C’est aussi le cas en matière de mobilité et de migrations, Naples ayant joué un rôle moteur dans le mouvement international des villes accueillantes, à contre-pied des politiques italiennes et européennes de fermeture des frontières.

Présentation de Thomas Pfirsch

Notices de Naples

Aller en haut