La  ferraille  désigne les déchets de métaux ferreux tels  les débris de pièces de fer, de fonte ou d’acier et les déchets des autres métaux non ferreux comme l’aluminium, le cuivre, les déchets des métaux précieux, etc.

Contrairement aux déchets ménagers, qui ont suscité l’intérêt des pouvoirs publics, des scientifiques et des chercheurs, la filière de la ferraille à Sfax demeure largement méconnue. Deuxième pôle industriel de la Tunisie, la ville abrite un tissu industriel varié formé de 718 entreprises, soit 12% de l’ensemble national, ainsi qu’une population importante dépassant le million d’habitants.

Notre approche de la ferraille s’est basée sur une enquête auprès des acteurs de la ferraille (négociants, ferrailleurs, chiffonniers et industriels). Elle a touché 20 entreprises et 07 chiffonniers.

A Sfax, l’industrie produit une quantité importante de déchets estimée à 40000t/an qui s’ajoute aux déchets de bâtiments.  La ferraille est disséminée dans des zones à fort potentiel industriel (zone industrielle Thyna, Poudrière, Madagascar, El Maou, etc.). La gestion de ces déchets s’avère encore problématique.

La ferraille provient des métaux en mélange issus des pièces détachées (radiateurs, catalyseurs, etc.) (Photo 1) des voitures et des casses d’automobiles (VHU), de démolitions d’usines et de rénovation d’équipements (hôtels, casernes, etc.) (Photo 2) ainsi que des chutes neuves de production issues des entreprises de construction métalliques et de transformation qui utilisent les métaux ferreux et non ferreux comme matière première.

Déchets de radiateurs de voitures, Ines Naïmi 2023
Figure 1. Déchets de radiateurs de voitures

Crédits. Ines Naïmi (2022)

Déchets en mélange (Ines Naimi 2022)
Figure 2. Déchets en mélange

Crédits. Ines Naimi (2022)

6% de la ferraille provient des décharges, celle d’Agareb, port de pêche, comprenant des cannettes de boissons en aluminium, des assiettes, des boites de conserves métalliques, des ustensiles de cuisines, etc. (Photo 3).

Ustensiles de cuisine en ferraille. Ines Naimi 2021
Figure 3. Ustensiles de cuisine en ferraille

Crédits. Ines Naimi (2021)

La collecte des déchets métalliques est effectuée par des récupérateurs informels, des petites entreprises spécialisées dans la collecte et des industriels. Ils parcourent les zones industrielles, les chantiers de construction, les quartiers résidentiels, et parfois même les décharges à la recherche de ferraille récupérable.

Les récupérateurs informels, ou “Berbechas” (voir le billet Parcours d’une femme barbécha), sont souvent des individus indépendants qui ont une connaissance des lieux de la collecte. Ils travaillent de manière autonome, avec leur propre moyen de collecte et de transport (gros sacs, bicyclette, chariot, etc.) (Photo 4 et 5).

Berbech à bicyclette. Ines Naimi (2021)
Figure 4. Berbech à bicyclette

Crédits. Ines Naïmi (2021)

Berbech à mobylette et chariot (Ines Naimi, 2021)
Figure 5. Berbech à mobylette et chariot

Crédits. Ines Naimi (2021)

Ces Berbechas (voir Parcours d’une femme barbécha) travaillent sans reconnaissance légale ni couverture sociale et sont en situation de précarité. Actuellement une nouvelle catégorie de Berbechas est apparue: il s’agit de « Sub-sahariens » travaillant pour des entreprises de collecte. Ces dernières leurs fournissent les moyens de transport et ils sont payés en fonction de la quantité collectée.

Il y aurait environ 900 Berbech à Sfax dont 1/4 environ travaille dans la collecte des déchets métalliques. Le nombre de Berbechas fluctue en fonction des prix de la ferraille, où un  oblige des centaines à quitter le secteur ou à s’orienter vers la filière du plastique.

Même si la majorité des Berbechas se spécialisent dans un type de déchets, certains collectent plusieurs catégories comme le plastique et l’aluminium. La quantité moyenne de métal collectée par un Berbech varie en moyenne entre 5 Kg et 7 Kg par jour durant l’hiver et 12 Kg par jour pendant l’été. Cette fluctuation est liée à la multiplication de la consommation des boissons utilisant des cannettes pendant l’été (bières, boissons gazeuses, etc.) (Photo 6).

Canettes de Celtia (bière) en aluminium
Figure 6. Canettes de Celtia (bière) en aluminium

Crédits. Ines Naimi (2021)

En parallèle, des petites entreprises spécialisées dans la collecte de ferraille se sont également développées. Sur un total de 71 entreprises de gestion des déchets métalliques installées dans la ville de Sfax, 53 sont des entreprises de collecte et de transport.

Notre enquête a montré également une certaine spécialisation des entreprises quant à la ferraille collectée. Certaines sont spécialisées par exemple dans les radiateurs et les catalyseurs de voitures destinées à l’exportation. D’autres collectent les métaux ferreux destinés au seul consommateur en Tunisie, ou à l’usine de sidérurgie El Fouladh à Menzel Bourguiba. Certains collecteurs sont spécialisés dans l’aluminium et le cuivre destinés à d’autres entreprises et à l’exportation.

Les commerçants disposent d’un lieu de stockage et ils ont une capacité de collecte importante mais inférieure à celle des collecteurs industriels qui s’éleverait à 150000T/an. La superficie occupée par les commerçants de la ferraille est de 20 Ha soit environ 4000 m2 /unité (Photo 7).

Entrepôt de ferraille. Ines Naimi (2022)
Figure 7. Entrepôt de ferraille

Crédits. Ines Naimi (2022)

Ces commerçants achètent leur ferraille auprès des Berbechas, des entreprises industrielles, des ateliers de mécanique, de tôleries, etc. Ils jouent aussi le rôle d’intermédiaire entre les Berbechas et les industriels. Certaines entreprises ont établi des partenariats avec des industriels, les chantiers de construction pour obtenir des contrats de collecte régulière.

La majorité des commerçants sont des personnes qualifiées. Cette qualification provient d’un parcours familial où certains commerçants ne sont que des descendants de négociateurs de ferraille. Toutefois, certains sont passés avant la création de leur entreprise par les ateliers de mécanique ou de métallurgie.

Par ailleurs, certains industriels ont développé leur propre service de collecte pour s’approvisionner en ferraille. Ils disposent souvent de réseaux étendus avec les Berbechas et les entreprises de collecte et collaborent avec divers acteurs pour garantir une collecte régulière des déchets métalliques. Certaines entreprises sont organisées en groupe, le plus souvent familial qui contrôle la collecte, la fonderie et les produits recyclés (figure 8).

Ferraille d’aluminium compactée Ines Naimi 2021
Figure 8. Ferraille d’aluminium compactée

Crédits. Ines Naimi (2021)

La ferraille collectée est triée en fonction de sa qualité et de sa composition. Les différents types de métaux sont séparés et classés, puis vendus aux usines de recyclage ou aux exportateurs. Le prix de la ferraille dépend de plusieurs facteurs tels que la qualité (teneur en métal), la quantité et la demande sur le marché international. Les usines de recyclage procèdent à la réutilisation des métaux pour produire de nouvelles matières premières utilisées dans diverses industries telles que la sidérurgie, l’automobile et la construction (figure 9).

Lingots d’aluminium recyclé. Ines Naimi (2022)
Figure 9. Lingots d’aluminium recyclé

Crédits. Ines Naimi (2022)

Bien que la ferraille à Sfax offre des opportunités économiques et environnementales, notamment la création d’emplois dans les secteurs de la collecte, du transport, du tri et du recyclage et la réduction des émissions de CO2,d’autres facteurs limitent son dynamisme : les réglementations et les politiques environnementales relatives à la gestion des déchets et au commerce de la ferraille, les contraintes logistiques liées à son transport sur de longues distances et les possibilités de développement des filières de recyclage locales.

Bibliographie

  • Bahers J-B., 2014, « Métabolisme territorial et filières de récupération-recyclage : le cas des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) en Midi-Pyrénées. », Développement durable et territoires [En ligne], Vol. 5, n°1 | Février 2014, mis en ligne le 04 février 2014, consulté le 18 juillet 2022. URL : http://journals.openedition.org/developpementdurable/10159.
  • Bennasr A., Les recompositions récentes de l’industrie sfaxienne (Tunisie). Revue tunisienne des sciences sociales (RTSS), 2005, pp.79-122.
  • Brullot S., Maillefert M., 2009, « Propositions méthodologiques pour l’analyse de la stratégie des acteurs et des modes de gouvernance de projets d’écologie industrielle sur des parcs d’activité », Journées de la proximité 14, 15 et 16 octobre 2009, Poitiers, 12 p.
  • Brullot S., Maillefert M., Joubert J., 2014, « Stratégies d’acteurs et gouvernance des démarches d’écologie industrielle et territoriale », Développement durable et territoires [En ligne], Vol. 5, n°1 | Février 2014, mis en ligne le 04 février 2014, consulté le 28 juin 2022. URL : http://journals.openedition.org/developpementdurable/10082 : https://doi.org/10.4000/developpementdurable.10082
  • Naimi I., (2022) : Récupération et recyclage des métaux à Sfax. Mémoire de master, 78p.faculté Lettres et sciences humaines de Sfax.

AUTEURS

DATE

Novembre 2023

CATÉGORIE

Sfax

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